L'Echinococcose Alvéolaire humaine :

L'échinococcose alvéolaire humaine est une maladie rare mais qui peut être grave. Elle est provoquée par le développement, chez l'homme, de la larve du ténia échinocoque (Echinococcus multilocularis), parasite à l'état adulte des carnivores (les renards, en particuliers). Cette larve se développe habituellement dans le foie qu'elle détruit, en plusieurs années. En absence de diagnostic, l'évolution de la maladie est comparable à celle d'un cancer : les organes voisins du foie sont progressivement infiltrés (Iconographie : lésions hépatiques), et des métastases parasitaires peuvent emboliser le système vasculaire et se développer à distance au niveau des poumons, du système nerveux central, des muscles, des os, etc.


Il n'existe pas de symptômes précoces typiques permettant de suspecter l'infection. Au cours de l'évolution, des symptômes non spécifiques (fatigue, douleurs abdominales, ictère) peuvent apparaître. De fait, le diagnostic est souvent posé tardivement quand la lésion parasitaire atteint une taille déjà conséquente.



Traitement :


Quand la taille et la situation des lésions permet d'espérer un geste chirurgical curatif avec une résection totale du tissu parasitaire, l'opération est légitime. Le succès de l'intervention est assuré par son association systématique à un traitement médicamenteux prolongé. Des patients avec des lésions très avancées, ont bénéficié d'une transplantation hépatique (41 cas en Europe). Mais les médicaments anti-rejets ont parfois favorisé le développement de lésions parasitaires résiduelles.


Les lésions inopérables ou pour lesquelles aucune exérèse totale n'est possible, relèvent d'un traitement médical. Les molécules disponibles actuellement empêchent le développement du parasite mais ne le tuent pas. Les médicaments sont donc prescrits à très long terme , souvent à vie pour de nombreux patients.


Chez certains patients, le tissu parasitaire dégénère sous l'action du système immunitaire. Mais pour la plupart des personnes atteintes, la maladie est chronique. Le traitement continu limite l'évolution du parasite et les lésions causées aux différents organes. Il permet aussi de conserver aux patients une bonne aux qualité de vie. Un suivi médical régulier de ces patients est cependant nécessaire ; il permet de contrôler la tolérance au traitement, de suivre l'évolution des lésions et prévenir d'éventuelles complications. La vaccination contre ce parasite n'est pas encore possible.




Mode de contamination humaine :


Le cycle évolutif naturel d'Echinococcus multilocularis passe par différents animaux, hôtes intermédiaires (hébergeant les formes immatures, "larvaires") ou définitifs (hébergeant les vers adultes). Seuls les œufs sont infestants pour l'homme; il ne peut pas y avoir de contamination inter - humaine.


Le parasite adulte vit dans l'intestin de carnivores (renards, chiens, chats). Les adultes ne vivent que quelques mois, mais sur cette courte période, ils produisent des milliers d'œufs. Ces œufs sont rejetés dans le milieu extérieur avec les excréments des carnivores. Des petits rongeurs (souris, mulots, campagnols), hôtes intermédiaires du parasite, s'infestent en ingérant des végétaux souillés par ces œufs. Les œufs éclosent dans l'intestin des rongeurs ; ils libèrent les larves qui migrent vers le foie où elles maturent jusqu'au stade "protoscolex", capables de reproduire le ver adulte chez le carnivore. Les carnivores s'infectent en mangeant des rongeurs infestés. Les protoscolex libérés dans leur intestin, deviennent des adultes, et le cycle parasitaire recommence (Iconographie : cycle parasitaire).


L'homme s'infecte accidentellement en ingérant les œufs de ce parasite; dans le cycle, il prend la place du rongeur (mais bien sûr, pour le parasite, c'est une impasse!) Le mode précis de transmission n'est pas connu et son étude sur l'homme est impossible. Les œufs peuvent survivre et rester infestants longtemps dans un milieu extérieur humide et froid (ils survivent à des températures atteignant - 18°C, celles des congélateurs familiaux…). Par contre, ils sont détruits par des températures supérieures à 60 °C. Les aliments cuits sont donc propres à la consommation.


Dans les régions endémiques, où le cycle parasitaire est actif entre les renards et les rongeurs, l'homme peut s'infecter au contact de renards, de chiens ou de chats parasités, portant des œufs sur leur pelage, ou en mangeant des aliments crus, souillés par les excréments de ces hôtes définitifs (végétaux et baies sauvages ou poussant dans des jardins accessibles aux renards ou aux chiens). La contamination humaine pourrait aussi se faire au cours du travail agricole par manipulation de terre humide.


En absence de description précise des modes de contamination humaine, des règles élémentaires d'hygiènes doivent être suivies par les populations vivant dans les zones où le cycle ce parasite est actif ("zones d'endémie") :


porter des gants pour tous les travaux en plein air et se laver les mains après ces travaux,

se laver les mains après avoir toiletté son animal de compagnie, ou avoir joué avec lui

cuire ou frire tous les aliments provenant des champs, des forêts ou des jardins potentiellement accessibles aux renards.

De plus, les chiens et les chats qui chassent et mangent les souris ou les campagnols doivent recevoir régulièrement un traitement anti-parasitaire. Pour être parfaitement préventif, ce traitement devrait être renouvelé toutes les 4 semaines et utiliser un médicament actif sur ce parasite comme le praziquantel (tous ne le sont pas, et ce produit chimique est vendu sous plusieurs noms de médicament; il faut donc consulter un vétérinaire à ce sujet).




Impact de cette maladie en Europe :


L'infestation des renards : Le cycle naturel d'Echinococcus multilocularis chez les animaux sauvages ou domestiques se déroule dans les régions tempérées et froides de l'hémisphère Nord, principalement dans les zones arctiques de l'Alaska et de la Russie, au nord du Japon et au centre et à l'ouest de la Chine. En Europe, la répartition du parasite semblait être restreinte à quelques zones rurales "endémiques" comprises entre le sud de l'Allemagne, l'est de la France, le nord de la Suisse et le nord-ouest de l'Autriche (Carte). Depuis les années 90, de nombreuses études ont mis en évidence la présence de renards parasités, en dehors des zones " classiques " endémiques: en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne du nord, en Pologne et en République Tchèque (Carte). Comment interpréter ces constatations ? Deux hypothèses sont posées : la parasitose est restée jusqu'à nos jours inconnue dans ces régions faute d'investigation ou bien elle atteint, par extension géographique, des régions auparavant considérées à juste titre indemnes.


Le taux d'infestation des renards varie beaucoup d'une région à l'autre. Dans l'Est de la France (Carte), le Sud-Ouest de l'Allemagne et dans le Nord de la Suisse, ce taux est supérieur à 50% alors qu'ailleurs, il est inférieur à 5%. De plus dans certaines zones comme le Bade-Württemberg, en Allemagne, et la Franche-Comté en France, le nombre de renards et leur taux d'infestation a très fortement augmenté ces dix dernières années (Carte). Enfin, de façon récente, des populations importantes de renards se sont installées de façon stable en zone urbaine (Carte). Ces renards urbains peuvent aussi être infectés par Echinococcus multilocularis, et représenter alors un nouveau risque pour la Santé Publique. Par ailleurs, dans différentes régions, des chiens et des chats domestiques se sont révélés infectés par Echinococcus multilocularis. Mais aucune étude systématique n'a été faite sur ces animaux de compagnie.


L'Echinococcose Alvéolaire humaine : La majorité des cas recensés à ce jour est survenue chez des personnes vivant en dans une des zones d'endémie de l'Europe de l'Ouest. Le nombre total de patients atteints reste faible. A ce jour, le Registre Européen de l'Echinococcose Alvéolaire a permis de recenser 580 cas répartis en France (Carte), en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Turquie, en Pologne et en Grèce (Données disponibles en Juin 1999). Bien qu'en zone d'endémie, l'échinococcose alvéolaire concerne de nombreuses personnes, à l'échelle mondiale, elle reste un problème très localisé. Cependant, 10 ans peuvent s'écouler entre l'infestation et l'apparition des premiers signes cliniques. Plusieurs années seront donc nécessaire pour mettre en évidence une éventuelle augmentation des cas humains. Quoiqu'il en soit, les informations disponibles concernant les taux d'infestation animale, le nombre de cas humains ou les modes de transmissions ne permettent pas, aujourd'hui, d'estimer à sa vraie mesure le risque d'infection pour les populations vivant en zones d'endémie.




S'inquiéter d'une maladie rare, est-ce bien utile ?


L'échinococcose alvéolaire est une maladie rare touchant peu de personnes dans quelques régions endémiques bien individualisées en Europe. Mais, c'est une pathologie grave pouvant engager le pronostic vital du patient. L'absence de guérison, certaine dans la plupart des cas, la prise indispensable d'un traitement à vie, et le suivi médical régulier obligatoire, sont autant de facteurs contraignant pour les malade. De plus la prise en charge d'un patient atteint d'échinococcose alvéolaire est extrêmement coûteuse : les dépenses annuelles pour les médicaments peuvent atteindre 5 à 15 000 Euro par patient, et le coût médical total d'un patient a été estimé à 250 000 Euro (en excluant le recours, possible et parfois indispensable dans de rares cas, à la transplantation hépatique…). Enfin, la méconnaissance des facteurs d'exposition et des modes de transmission inquiète les populations vivant en zone d'endémie, tout comme la rage les inquiétait dans les années 70.


Malheureusement, la dynamique complexe de transmission de ce parasite reste mal comprise. Les facteurs environnementaux influençant le taux de renards infectés, et les conduites à tenir pour prévenir l'infection humaine sont probablement les principales questions à résoudre. Et c'est le but du Registre Européen de l'Echinococcose Alvéolaire : recueillir le maximum de données sur la distribution géographique actuelle du parasite en Europe, les taux d'infestation animale et l'incidence de la maladie humaine. Les informations ainsi enregistrées représentent un pré-requis pour des études plus approfondies sur les facteurs de risque comme les comportements humains ou le rôle des chiens et des chats. Ces études plus approfondies, qui sont envisagées en commun par des équipes de recherche travaillant dans plusieurs pays européens, permettront de décrire précisément les comportements à risque locorégionaux et donc de mettre en place une prévention localement adaptée pour le contrôle de l'échinococcose alvéolaire humaine.